Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/307

Cette page n’a pas encore été corrigée

et les peupliers, est devenu un canal qui est revêtu ; ailleurs de longues et fraîches avenues se perdent dans la campagne, et annoncent la maison, qui est entourée d’eau. Vous récrierez-vous : « Quel jeu du hasard ! combien de belles choses se sont rencontrées ensemble inopinément ! » Non sans doute ; vous direz au contraire : « Cela est bien imaginé et bien ordonné ; il règne ici un bon goût et beaucoup d’intelligence. » Je parlerai comme vous, et j’ajouterai que ce doit être la demeure de quelqu’un de ces gens chez qui un Nautre va tracer et prendre des alignements dès le jour même qu’ils sont en place. Qu’est-ce pourtant que cette pièce de terre ainsi disposée, et où tout l’art d’un ouvrier habile a été employé pour l’embellir, si même toute la terre n’est qu’un atome suspendu en l’air, et si vous écoutez ce que je vais dire ? Vous êtes placé, ô Lucile, quelque part sur cet atome : il faut donc que vous soyez bien petit, car vous n’y occupez pas une grande place ; cependant vous avez des yeux, qui sont deux points imperceptibles ; ne laissez pas de les ouvrir vers le ciel : qu’y apercevez-vous quelquefois ? La lune dans son