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quelquefois, leur laissent bâtir leurs églises et faire leurs missions. Qui fait cela en eux et en nous ? ne serait-ce point la force de la vérité ? 30 (V)

Il ne convient pas à toute sorte de personnes de lever l’étendard d’aumônier, et d’avoir tous les pauvres d’une ville assemblés à sa porte, qui y reçoivent leurs portions. Qui ne sait pas au contraire des misères plus secrètes qu’il peut entreprendre de soulager, ou immédiatement et par ses secours, ou du moins par sa médiation ! De même il n’est pas donné à tous de monter en chaire et d’y distribuer, en missionnaire ou en catéchiste, la parole sainte ; mais qui n’a pas quelquefois sous sa main un libertin à réduire, et à ramener par de douces et insinuantes conversations à la docilité ? Quand on ne serait pendant sa vie que l’apôtre d’un seul homme, ce ne serait pas être en vain sur la terre, ni lui être un fardeau inutile.

3I (I)

Il y a deux mondes : l’un où l’on séjourne peu, et dont l’on doit sortir pour n’y plus rentrer ; l’autre où l’on doit bientôt entrer pour n’en jamais sortir. La faveur, l’autorité, les amis, la haute réputation, les grands biens servent pour le premier monde ; le mépris de toutes ces choses sert pour le second. Il s’agit de choisir.

32 (I)

Qui a vécu un seul jour a vécu un siècle : même soleil, même terre, même monde, mêmes sensations ; rien ne ressemble mieux à aujourd’hui