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dicateurs. Au lieu de s’unir seulement avec les peuples pour bénir le Ciel de si rares présents qui en sont venus, ils ont entré en société avec les auteurs et les poètes ; et devenus comme eux panégyristes, ils ont enchéri sur les épîtres dédicatoires, sur les stances et sur les prologues ; ils ont changé la parole sainte en un tissu de louanges, justes à la vérité, mais mal placées, intéressées, que personne n’exige d’eux, et qui ne conviennent point à leur caractère. On est heureux si à l’occasion du héros qu’ils célèbrent jusque dans le sanctuaire, ils disent un mot de Dieu et du mystère qu’ils devaient prêcher. Il s’en est trouvé quelques-uns qui ayant assujetti le saint Evangile, qui doit être commun à tous, à la présence d’un seul auditeur, se sont vus déconcertés par des hasards qui le retenaient ailleurs, n’ont pu prononcer devant des chrétiens un discours chrétien qui n’était pas fait pour eux, et ont été suppléés par d’autres orateurs, qui n’ont eu le temps que de louer Dieu dans un sermon précipité.

I4 (I)

Théodule a moins réussi que quelques-uns de ses auditeurs ne l’appréhendaient : ils sont contents de lui et de son discours ; il a mieux fait à leur gré que de charmer l’esprit et les oreilles, qui est de flatter leur jalousie.

I5 (I)

Le métier de la parole ressemble en une chose à celui de la guerre : il y a plus de risque qu’ailleurs, mais la fortune y est plus rapide.

I6 (I)