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introduit les fidéicommis, ou si même elle les tolère ? Avec une femme qui nous est chère et qui nous survit, lègue-t-on son bien à un ami fidèle par un sentiment de reconnaissance pour lui, ou plutôt par une extrême confiance, et par la certitude qu’on a du bon usage qu’il saura faire de ce qu’on lui lègue ? Donne-t-on à celui que l’on peut soupçonner de ne devoir pas rendre à la personne à qui en effet l’on veut donner ? Faut-il se parler, faut-il s’écrire, est-il besoin de pacte ou de serments pour former cette collusion ? Les hommes ne sentent-ils pas en ce rencontre ce qu’ils peuvent espérer les uns des autres ? Et si au contraire la propriété d’un tel bien est dévolue au fidéicommissaire, pourquoi perd-il sa réputation à le retenir ? Sur quoi fonde-t-on la satire et les vaudevilles ? Voudrait-on le comparer au dépositaire qui trahit le dépôt, à un domestique qui vole l’argent que son maître lui envoie porter ? On aurait tort : y a-t-il de l’infamie à ne pas faire une libéralité, et à conserver pour soi ce qui est à soi ? Etrange embarras, horrible poids que le fidéicommis ! Si par la révérence des lois on se l’approprie, il ne faut plus passer pour homme de bien ; si par le respect d’un ami mort l’on suit ses intentions en le rendant à sa veuve, on est confidentiaire, on blesse la loi. — Elle cadre donc bien mal avec l’opinion des hommes ? — Cela peut être ; et il ne me convient