ordinaire ; qu’est devenue votre joie ? « Je suis riche, dites-vous, me voilà au large, et je commence à respirer. » Riez plus haut, Zélie, éclatez : que sert une meilleure fortune, si elle amène avec soi le sérieux et la tristesse ? Imitez les grands qui sont nés dans le sein de l’opulence : ils rient quelquefois, ils cèdent à leur tempérament, suivez le vôtre ; ne faites pas dire de vous, qu’une nouvelle place ou que quelques mille livres de rente de plus ou de moins vous font passer d’une extrémité à l’autre. « Je tiens, dites-vous, à la faveur par un endroit. » Je m’en doutais, Zélie ; mais croyez-moi, ne laissez pas de rire, et même de me sourire en passant, comme autrefois : ne craignez rien, je n’en serai ni plus libre ni plus familier avec vous ; je n’aurai pas une moindre opinion de vous et de votre poste ; je croirai également que vous êtes riche et en faveur. « Je suis dévote », ajoutez-vous. C’est assez, Zélie, et je dois me souvenir que ce n’est plus la sérénité et la joie que le sentiment d’une bonne conscience étale sur le visage ; les passions tristes et austères ont pris le dessus et se répandent sur les dehors : elles mènent plus loin et l’on ne s’étonne plus de voir, que la dévotion sache encore mieux que la beauté et la jeunesse rendre une femme fière et dédaigneuse.
Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/223
Cette page n’a pas encore été corrigée