Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/155

Cette page n’a pas encore été corrigée

toujours de la réplique. Elle vous parle comme celle qui n’est pas savante, qui doute et qui cherche à s’éclaircir ; et elle vous écoute comme celle qui sait beaucoup, qui connaît le prix de ce que vous lui dites, et auprès de qui vous ne perdez rien de ce qui vous échappe. Loin de s’appliquer à vous contredire avec esprit, et d’imiter Elvire, qui aime mieux passer pour une femme vive que marquer du bon sens et de la justesse, elle s’approprie vos sentiments, elle les croit siens, elle les étend, elle les embellit : vous êtes content de vous d’avoir pensé si bien, et d’avoir mieux dit encore que vous n’aviez cru. Elle est toujours au-dessus de la vanité, soit qu’elle parle, soit qu’elle écrive : elle oublie les traits où il faut des raisons ; elle a déjà compris que la simplicité est éloquente. S’il s’agit de servir quelqu’un et de vous jeter dans les mêmes intérêts, laissant à Elvire les jolis discours et les belles-lettres, qu’elle met à tous usages, Arthénice n’emploie auprès de vous que la sincérité, l’ardeur, l’empressement et la persuasion. Ce qui domine en elle, c’est le plaisir de la lecture, avec le goût des personnes de nom et de réputation, moins pour en être connue que pour les connaître. On peut la louer d’avance de toute la sagesse qu’elle aura un jour, et de tout le mérite qu’elle se prépare par les années, puisque avec une bonne conduite elle a