certains esprits la honte de l’érudition : l’on trouve chez eux une prévention tout établie contre les savants, à qui ils ôtent les manières du monde, le savoir-vivre, l’esprit de société, et qu’ils renvoient ainsi dépouillés à leur cabinet et à leurs livres. Comme l’ignorance est un état paisible et qui ne coûte aucune peine, l’on s’y range en foule, et elle forme à la cour et à la ville un nombreux parti, qui l’emporte sur celui des savants. S’ils allèguent en leur faveur les noms d’Estrées, de Harlay, Bossuet, Seguier, Montausier, Wardes, Chevreuse, Novion, Lamoignon, Scudéry, Pélisson, et de tant d’autres personnages également doctes et polis ; s’ils osent même citer les grands noms de Chartres, de Condé, de Conti, de Bourbon, du Maine, de Vendome, comme de princes qui ont su joindre aux plus belles et aux plus hautes connaissances et l’atticisme des Grecs et l’urbanité des Romains, l’on ne feint point de leur dire que ce sont des exemples singuliers ; et s’ils ont recours à de solides raisons, elles sont faibles contre la voix de la multitude. Il semble néanmoins que l’on devrait
Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/145
Cette page n’a pas encore été corrigée