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Il suffisait à Bathylle d’être pantomime pour être couru des dames romaines ; à Rhoé de danser au théâtre ; à Roscie et à Nérine de représenter dans les chœurs, pour s’attirer une foule d’amants. La vanité et l’audace, suites d’une trop grande puissance, avaient ôté aux Romains le goût du secret et du mystère ; ils se plaisaient à faire du théâtre public celui de leurs amours ; ils n’étaient point jaloux de l’amphithéâtre, et partageaient avec la multitude les charmes de leurs maîtresses. Leur goût n’allait qu’à laisser voir qu’ils aimaient, non pas une belle personne ou une excellente comédienne, mais une comédienne.

I7 (I)

Rien ne découvre mieux dans quelle disposition sont les hommes à l’égard des sciences et des belles-lettres, et de quelle utilité ils les croient dans la république, que le prix qu’ils y ont mis, et l’idée qu’ils se forment de ceux qui ont pris le parti de les cultiver. Il n’y a point d’art si mécanique ni de si vile condition où les avantages ne soient plus sûrs, plus prompts et plus solides. Le comédien, couché dans son carrosse, jette de la boue au visage de Corneille, qui est à pied. Chez plusieurs, savant et pédant sont synonymes. Souvent où le riche parle, et parle de doctrine, c’est aux doctes à se taire, à écouter, à applaudir, s’ils veulent du moins ne passer que pour doctes.

I8 (I)

Il y a une sorte de hardiesse à soutenir devant