Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 2.djvu/133

Cette page n’a pas encore été corrigée

goût et de complexion n’est telle, au contraire ; que parce qu’elle est feinte ou affectée : c’est Emilie qui crie de toute sa force sur un petit péril qui ne lui fait pas de peur ; c’est une autre qui par mignardise pâlit à la vue d’une souris, ou qui veut aimer les violettes et s’évanouir aux tubéreuses.

I45 (IV)

Qui oserait se promettre de contenter les hommes ? Un prince, quelque bon et quelque puissant qu’il fût, voudrait-il l’entreprendre ? qu’il l’essaye. Qu’il se fasse lui-même une affaire de leurs plaisirs ; qu’il ouvre son palais à ses courtisans ; qu’il les admette jusque dans son domestique ; que dans des lieux dont la vue seule est un spectacle, il leur fasse voir d’autres spectacles ; qu’il leur donne le choix des jeux, des concerts et de tous les rafraîchissements ; qu’il y ajoute une chère splendide et une entière liberté ; qu’il entre avec eux en société des mêmes amusements ; que le grand homme devienne aimable, et que le héros soit humain et familier : il n’aura pas assez fait. Les hommes s’ennuient enfin des mêmes choses qui les ont charmés dans leurs commencements ils déserteraient la table des Dieux, et le nectar avec le temps leur devient