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gale à ce qu’il y a de meilleur en tout genre. Il a du bon et du louable, qu’il offusque par l’affectation du grand ou du merveilleux ; on voit clairement ce qu’il n’est pas, et il faut deviner ce qu’il est en effet. C’est un homme qui ne se mesure point, qui ne se connaît point ; son caractère est de ne savoir pas se renfermer dans celui qui lui est propre et qui est le sien.

I42 (V)

L’homme du meilleur esprit est inégal ; il souffre des accroissements et des diminutions ; il entre en verve, mais il en sort : alors, s’il est sage, il parle peu, il n’écrit point, il ne cherche point à imaginer ni à plaire. Chante-t-on avec un rhume ? ne faut-il pas attendre que la voix revienne ?

Le sot est automate, il est machine, il est ressort ; le poids l’emporte, le fait mouvoir, le fait tourner, et toujours, et dans le même sens, et avec la même égalité ; il est uniforme, il ne se dément point : qui l’a vu une fois, l’a vu dans tous les instants et dans toutes les périodes de sa vie ; c’est tout au plus le bœuf qui meugle, ou le merle qui siffle : il est fixé et déterminé par sa nature, et j’ose dire par son espèce. Ce qui paraît le moins en lui, c’est son âme ; elle n’agit point, elle ne s’exerce point, elle se repose.

I43 (VI)

Le sot ne meurt point ; ou si cela lui arrive selon notre manière de parler, il est vrai de dire qu’il gagne à mourir, et que dans ce moment