119. Les jeunes gens, à cause des passions qui les amusent, s’accommodent mieux de la solitude que les vieillards.
120. Phidippe, déjà vieux, raffine sur la propreté et sur la mollesse ; il passe aux petites délicatesses ; il s’est fait un art du boire, du manger, du repos et de l’exercice ; les petites règles qu’il s’est prescrites, et qui tendent toutes aux aises de sa personne, il les observe avec scrupule, et ne les romproit pas pour une maîtresse, si le régime lui avoit permis d’en retenir ; il s’est accablé de superfluités, que l’habitude enfin lui rend nécessaires. Il double ainsi et renforce les liens qui l’attachent à la vie, et il veut employer ce qui lui en reste à en rendre la perte plus douloureuse. N’appréhendoit-il pas assez de mourir ?
121. Gnathon ne vit que pour soi, et tous les hommes ensemble sont à son égard comme s’ils n’étoient point. Non content de remplir à une table la première place, il occupe lui seul celle de deux autres ; il oublie que le repas est pour lui et pour toute la compagnie ; il se rend maître du plat, et fait son propre de chaque service : il ne s’attache à aucun des mets, qu’il n’ait achevé d’essayer de tous ; il voudroit pouvoir les savourer tous tout à la fois. Il ne se sert à table que de ses mains ; il manie les viandes, les remanie, démembre, déchire, et en use de manière qu’il faut que les conviés, s’ils veulent