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mots du premier langage qu’ils ont parlé ; ils tiennent pour l’ancienne manière de chanter, et pour la vieille danse ; ils vantent les modes qui régnaient alors dans les habits, les meubles et les équipages. Ils ne peuvent encore désapprouver des choses qui servaient à leurs passions, qui étaient si utiles à leurs plaisirs, et qui en rappellent la mémoire. Comment pourraient-ils leur préférer de nouveaux usages, et des modes toutes récentes où ils n’ont nulle part, dont ils n’espèrent rien, que les jeunes gens ont faites, et dont ils tirent à leur tour de si grands avantages contre la vieillesse ?

II6 (I)

Une trop grande négligence comme une excessive parure dans les vieillards multiplient leurs rides, et font mieux voir leur caducité.

II7 (I)

Un vieillard est fier, dédaigneux, et d’un commerce difficile, s’il n’a beaucoup d’esprit.

II8 (I)

Un vieillard qui a vécu à la cour, qui a un grand sens, et une mémoire fidèle, est un trésor inestimable ; il est plein de faits et de maximes ; l’on y trouve l’histoire du siècle revêtue de circonstances très curieuses, et qui ne se lisent nulle part ; l’on y apprend des règles pour la conduite et pour les mœurs qui sont toujours sûres, parce qu’elles sont fondées sur l’expérience.

II9 (I)