Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/94

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’ainsi il y a deux mille ans accomplis que vivait ce peuple d’Athènes dont il fait la peinture, nous admirerons de nous y reconnaître nous-mêmes, nos amis, nos ennemis, ceux avec qui nous vivons, et que cette ressemblance avec des hommes séparés par tant de siècles soit si entière. En effet, les hommes n’ont point changé selon le cœur et selon les passions ; ils sont encore tels qu’ils étaient alors et qu’ils sont marqués dans Théophraste : vains, dissimulés, flatteurs, intéressés, effrontés, importuns, défiants, médisants, querelleux, superstitieux.

Il est vrai, Athènes était libre ; c’était le centre d’une république ; ses citoyens étaient égaux ; ils ne rougissaient point l’un de l’autre ; ils marchaient presque seuls et à pied dans une ville propre, paisible et spacieuse, entraient dans les boutiques et dans les marchés, achetaient eux-mêmes les choses nécessaires ; l’émulation d’une cour ne les faisait point sortir d’une vie commune ; ils réservaient leurs esclaves pour les bains, pour les repas, pour le service intérieur des maisons, pour les voyages ; ils passaient une partie de leur vie dans les places, dans les temples, aux amphithéâtres, sur un port, sous des portiques, et au milieu d’une ville dont ils étaient également les maîtres. Là le peuple s’assemblait pour délibérer des affaires