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plutôt se fier à un cheval sans frein qu’à celui qui parle sans jugement ; que la plus forte dépense que l’on puisse faire est celle du temps. Il dit un jour à un homme qui se taisait à table dans un festin : « Si tu es un habile homme, tu as tort de ne pas parler ; mais s’il n’est pas ainsi, tu en sais beaucoup. » Voilà quelques-unes de ses maximes.

Mais si nous parlons de ses ouvrages, ils sont infinis, et nous n’apprenons pas que nul ancien ait plus écrit que Théophraste. Diogène Laërce fait l’énumération de plus de deux cents traités différents et sur toutes sortes de sujets qu’il a composés. La plus grande partie s’est perdue par le malheur des temps, et l’autre se réduit à vingt traités, qui sont recueillis dans le volume de ses œuvres. L’on y voit neuf livres de l’histoire des plantes, six livres de leurs causes. Il a écrit des vents, du feu, des pierres, du miel, des signes du beau temps, des signes de la pluie, des signes de la tempête, des odeurs, de la sueur, du vertige, de la lassitude, du relâchement des nerfs, de la défaillance, des poissons qui vivent hors de l’eau, des animaux qui changent de couleur, des animaux qui naissent subitement, des animaux sujets à l’envie, des caractères des mœurs. Voilà ce qui nous reste de ses écrits, entre lesquels ce dernier seul, dont on donne la traduction, peut répondre non seulement de la beauté de