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constitutions fondées sur les véritables bases du contrat social[1]. Mais cette association n’acquit jamais une influence prépondérante dans la Grèce proprement dite, et n’y laissa guère d’autres traces que queques traités de morale qui préparèrent la forme qu’Aristote donna par la suite à cette science.

Tant que les républiques de la Grèce étoient florissantes, leur histoire nous offre des actions et des sentiments sublimes ; la morale servoit de base à la législation, elle présidoit aux séances de l’Aréopage, elle dictoit des oracles, et conduisoit la plume des historiens ; ses préceptes étoient gravés sur les Hermès, prêchés publiquement par les poètes dans les chœurs de leurs tragédies, et souvent vengés par les satires politiques de la comédie de ce temps. Mais, excepté le petit nombre d’écrits pythagoriciens dont je viens de parler, et quelques paraboles qui nous ont été conservées par des auteurs postérieurs, nous ne voyons paroître dans cette période aucun ouvrage qui traite expressément de la morale. Les esprits actifs se livroient à la carrière politique, où les appeloit la forme démocratique des gouvernements sous lesquels ils vivoient, ou aux arts qui promettoient aussi des récompenses publiques. Les esprits spéculatifs s’occupoient des sciences physi-

  1. Voyez Meiners, Histoire des sciences dans la Grèce, livre iii ; et le Voyage du jeune Anacharsis, chap. lxxv.