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solennelles d’Eleusis, la morale étoit présentée avec la sanction imposante de peines et de récompenses dans une vie à venir, dont les notions, d’abord grossières, et même immorales, s’épurèrent peu à peu.

Dans cette période, les hommes éclairés jouirent d’une vénération d’autant plus grande, que les lumières étoient plus rares ; et les talents extraordinaires plaçoient presque toujours celui qui les possédoit à la tête du gouvernement. L’orateur philosophe que je viens de citer[1] observe que parmi les sept sages de la Grèce il n’y eut que Thalès qui ne fut pas le chef de sa république ; et cette exception provint de ce que ce philosophe se livra presque exclusivement aux sciences physiques.

Pythagore seul se fraya une carrière différente. Exilé de sa patrie par la tyrannie de Polycrate, il demeura sans fonctions civiles ; mais il fut l’ami et le conseil des chefs des républiques de la grande Grèce. En même temps, pour se créer une sphère d’activité plus vaste et plus ndépendante, il fonda une école qui embrassoit à la fois les sciences physiques et les sciences morales, et une association secrète qui devoit réformer peu à peu tous les États de la Grèce, et substituer aux institutions qu’avoient fait naître la violence et les circonstances, des

  1. De Oratore, III, xxxiv.