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sourire : ils n’ont pas, si je l’ose dire, deux pouces de profondeur ; si vous les enfoncez, vous rencontrez le tuf.


84 (VI)


Il y a des gens à qui la faveur arrive comme un accident : ils en sont les premiers surpris et consternés. Ils se reconnaissent enfin, et se trouvent dignes de leur étoile ; et comme si la stupidité et la fortune étaient deux choses incompatibles, ou qu’il fût impossible d’être heureux et sot tout à la fois, ils se croient de l’esprit ; ils hasardent, que dis-je ? ils ont la confiance de parler en toute rencontre, et sur quelque matière qui puisse s’offrir, et sans nul discernement des personnes qui les écoutent. Ajouterai-je qu’ils épouvantent ou qu’ils donnent le dernier dégoût par leur fatuité et par leurs fadaises ? Il est vrai du moins qu’ils déshonorent sans ressources ceux qui ont quelque part au hasard de leur élévation.


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(IV) Comment nommerai-je cette sorte de gens qui ne sont fins que pour les sots ? Je sais du moins que les habiles les confondent avec ceux qu’ils savent tromper.

(I) C’est avoir fait un grand pas dans la finesse, que de faire penser de soi que l’on n’est que médiocrement fin.

(IV) La finesse n’est