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pourvu qu’après ce que vous venez d’entendre, vous vous souveniez encore de la lui avoir vu faire.


79 (V)


Qui sait parler aux rois, c’est peut-être où se termine toute la prudence et toute la souplesse du courtisan. Une parole échappe, et elle tombe de l’oreille du prince bien avant dans sa mémoire, et quelquefois jusque dans son cœur : il est impossible de la ravoir ; tous les soins que l’on prend et toute l’adresse dont on use pour l’expliquer ou pour l’affaiblir servent à la graver plus profondément et à l’enfoncer davantage. Si ce n’est que contre nous-mêmes que nous ayons parlé, outre que ce malheur n’est pas ordinaire, il y a encore un prompt remède, qui est de nous instruire par notre faute, et de souffrir la peine de notre légèreté ; mais si c’est contre quelque autre, quel abattement ! quel repentir ! Y a-t-il une règle plus utile contre un si dangereux inconvénient ; que de parler des autres au souverain, de leurs personnes, de leurs ouvrages, de leurs actions, de leurs mœurs ou de leur conduite, du moins avec l’attention, les précautions et les mesures dont on parle de soi ?


80 (IV)


« Diseurs de bons mots, mauvais caractère » : je le dirais, s’il n’avait été dit. Ceux qui nuisent à la réputation ou à la fortune des autres plutôt