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Vous voyez des gens qui entrent sans saluer que légèrement, qui marchent des épaules, et qui se rengorgent comme une femme : ils vous interrogent sans vous regarder ; ils parlent d’un ton élevé, et qui marque qu’ils se sentent au-dessus de ceux qui se trouvent présents ; ils s’arrêtent, et on les entoure ; ils ont la parole, président au cercle, et persistent dans cette hauteur ridicule et contrefaite, jusqu’à ce qu’il survienne un grand, qui, la faisant tomber tout d’un coup par sa présence, les réduise à leur naturel, qui est moins mauvais.


I8 (IV)


Les cours ne sauraient se passer d’une certaine espèce de courtisans, hommes flatteurs, complaisants, insinuants, dévoués aux femmes, dont ils ménagent les plaisirs, étudient les faibles et flattent toutes les passions : ils leur soufflent à l’oreille des grossièretés, leur parlent de leurs maris et de leurs amants dans les termes convenables, devinent leurs chagrins, leurs maladies, et fixent leurs couches ; ils font les modes, raffinent sur le luxe et sur la dépense, et apprennent à ce sexe de prompts moyens de consumer de grandes sommes en habits, en meubles et en équipages ; ils ont eux-mêmes des habits où brillent l’invention et la richesse, et ils n’habitent d’anciens palais qu’après les avoir renouvelés et embellis ; ils mangent délicatement et avec réflexion ; il n’y a sorte de volupté qu’ils n’essayent, et dont ils ne puissent rendre compte. Ils