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5. L’on est petit à la cour ; et quelque vanité que l’on ait, on s’y trouve tel : mais le mal est commun, et les grands mêmes y sont petits.

6. La province est l’endroit d’où la cour, comme dans son point de vue, paroît une chose admirable : si l’on s’en approche, ses agréments diminuent, comme ceux d’une perspective que l’on voit de trop près.

7. L’on s’accoutume difficilement à une vie qui se passe dans une antichambre, dans des cours, ou sur l’escalier.

8. La cour ne rend pas content ; elle empêche qu’on ne le soit ailleurs.

9. Il faut qu’un honnête homme ait tâté de la cour : il découvre en y entrant comme un nouveau monde qui lui était inconnu, où il voit régner également le vice et la politesse, et où tout lui est utile, le bon et le mauvais.

10. La cour est comme un édifice bâti de marbre : je veux dire qu’elle est composée d’hommes fort durs, mais fort polis.

11. L’on va quelquefois à la cour pour en revenir, et se faire par là respecter du noble de sa province, ou de son diocésain.

12. Le brodeur et le confiseur seroient superflus, et ne feroient qu’une montre inutile, si l’on était modeste et sobre : les cours seroient désertes, et les rois presque seuls, si l’on étoit guéri de la vanité