Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/444

Cette page n’a pas encore été corrigée

mérite, et qui n’a même que du mérite : elles ne s’informent ni de ses contrats ni de ses ancêtres ; elles le trouvent à la cour, cela leur suffit ; elles le souffrent, elles l’estiment ; elles ne demandent pas s’il est venu en chaise ou à pied, s’il a une charge, une terre ou un équipage : comme elles regorgent de train, de splendeur et de dignités, elles se délassent volontiers avec la philosophie ou la vertu. Une femme de ville entend-elle le bruissement d’un carrosse qui s’arrête à sa porte, elle pétille de goût et de complaisance pour quiconque est dedans, sans le connaître ; mais si elle a vu de sa fenêtre un bel attelage, beaucoup de livrées, et que plusieurs rangs de clous parfaitement dorés l’aient éblouie, quelle impatience n’a-t-elle pas de voir déjà dans sa chambre le cavalier ou le magistrat ! quelle charmante réception ne lui fera-t-elle point ! ôtera-t-elle les yeux de dessus lui ? Il ne perd rien auprès d’elle : on lui tient compte des doubles soupentes et des ressorts qui le font rouler plus mollement ; elle l’en estime davantage, elle l’en aime mieux.


I6 (IV)


Cette fatuité de quelques femmes de la ville, qui cause en elles une mauvaise imitation de celles de la cour, est quelque chose de pire que la grossièreté des femmes du peuple, et que la rusticité des villageoises : elle a sur toutes deux l’affectation de plus.


I7 (IV)