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ciles, qui se placent en de beaux postes, et qui savent mourir dans l’opulence, sans qu’on les doive soupçonner en nulle manière d’y avoir contribué de leur travail ou de la moindre industrie : quelqu’un les a conduits à la source d’un fleuve, ou bien le hasard seul les y a fait rencontrer ; on leur a dit : « Voulez-vous de l’eau ? puisez » ; et ils ont puisé.


39 (V)


Quand on est jeune, souvent on est pauvre : ou l’on n’a pas encore fait d’acquisitions, ou les successions ne sont pas échues. L’on devient riche et vieux en même temps : tant il est rare que les hommes puissent réunir tous leurs avantages ! et si cela arrive à quelques-uns, il n’y a pas de quoi leur porter envie : ils ont assez à perdre par la mort pour mériter d’être plaints.


40 (I)


Il faut avoir trente ans pour songer à sa fortune ; elle n’est pas faite à cinquante ; l’on bâtit dans la vieillesse, et l’on meurt quand on en est aux peintres et aux vitriers.


4I (V)


Quel est le fruit d’une grande fortune, si ce n’est de jouir de la vanité, de l’industrie, du travail et de la dépense de ceux qui sont venus avant nous, et de travailler nous-mêmes, de planter, de bâtir, d’acquérir pour la postérité ?


42 (I)


L’on ouvre et l’on étale tous les matins pour tromper son monde ; et l’on ferme le soir après avoir trompé tout le jour.