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Je suis, dites-vous, sous l’autre tropique. — Passez sous le pôle et dans l’autre hémisphère, montez aux étoiles, si vous le pouvez. — M’y voilà. — Fort bien, vous êtes en sûreté. Je découvre sur la terre un homme avide, insatiable, inexorable, qui veut, aux dépens de tout ce qui se trouvera sur son chemin et à sa rencontre, et quoi qu’il en puisse coûter aux autres, pourvoir à lui seul, grossir sa fortune, et regorger de bien.


36 (IV)


Faire fortune est une si belle phrase, et qui dit une si bonne chose, qu’elle est d’un usage universel : on la reconnaît dans toutes les langues, elle plaît aux étrangers et aux barbares, elle règne à la cour et à la ville, elle a percé les cloîtres et franchi les murs des abbayes de l’un et de l’autre sexe : il n’y a point de lieux sacrés où elle n’ait pénétré, point de désert ni de solitude où elle soit inconnue.


37 (VII)


A force de faire de nouveaux contrats, ou de sentir son argent grossir dans ses coffres, on se croit enfin une bonne tête, et presque capable de gouverner.


38


(I) Il faut une sorte d’esprit pour faire fortune, et surtout une grande fortune : ce n’est ni le bon ni le bel esprit, ni le grand ni le sublime, ni le fort ni le délicat ; je ne sais précisément lequel c’est, et j’attends que quelqu’un veuille m’en instruire.

(V)