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que d’appuyer tout ce que l’on dit dans la conversation, jusques aux choses les plus indifférentes, par de longs et de fastidieux serments. Un honnête homme qui dit oui et non mérite d’être cru : son caractère jure pour lui, donne créance à ses paroles, et lui attire toute sorte de confiance.


2I (I)


Celui qui dit incessamment qu’il a de l’honneur et de la probité, qu’il ne nuit à personne, qu’il consent que le mal qu’il fait aux autres lui arrive, et qui jure pour le faire croire, ne sait pas même contrefaire l’homme de bien.

Un homme de bien ne saurait empêcher par toute sa modestie qu’on ne dise de lui ce qu’un malhonnête homme sait dire de soi.


22 (V)


Cléon parle peu obligeamment ou peu juste, c’est l’un ou l’autre ; mais il ajoute qu’il est fait ainsi, et qu’il dit ce qu’il pense.


23 (V)


Il y a parler bien, parler aisément, parler juste, parler à propos. C’est pécher contre ce dernier genre que de s’étendre sur un repas magnifique que l’on vient de faire, devant des gens qui sont réduits à épargner leur pain ; de dire merveilles de sa santé devant des infirmes ; d’entretenir de ses richesses, de ses revenus et de ses ameublements un homme qui n’a ni rentes ni domicile ; en un mot, de parler de son bonheur devant des misérables : cette conversation est trop forte pour eux, et la comparaison qu’ils font alors de leur état au vôtre est odieuse.