Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/349

Cette page n’a pas encore été corrigée



L’amour qui croît peu à peu et par degrés ressemble trop à l’amitié pour être une passion violente.


I4 (IV)


Celui qui aime assez pour vouloir aimer un million de fois plus qu’il ne fait, ne cède en amour qu’à celui qui aime plus qu’il ne voudrait.


I5 (IV)


Si j’accorde que dans la violence d’une grande passion on peut aimer quelqu’un plus que soi-même, à qui ferai-je plus de plaisir, ou à ceux qui aiment, ou à ceux qui sont aimés ?


I6 (I)


Les hommes souvent veulent aimer, et ne sauraient y réussir : ils cherchent leur défaite sans pouvoir la rencontrer, et, si j’ose ainsi parler, ils sont contraints de demeurer libres.


I7 (IV)


Ceux qui s’aiment d’abord avec la plus violente passion contribuent bientôt chacun de leur part à s’aimer moins, et ensuite à ne s’aimer plus. Qui, d’un homme ou d’une femme, met davantage du sien dans cette rupture, il n’est pas aisé de le décider. Les femmes accusent les hommes d’être volages, et les homme disent qu’elles sont légères.


I8 (IV)


Quelque délicat que l’on soit en amour, on pardonne plus de fautes que dans l’amitié.


I9 (IV)


C’est une vengeance douce à celui qui aime beaucoup de faire, par tout son procédé, d’une personne ingrate une très ingrate.


20 (IV)


Il est triste d’aimer sans une grande fortune, et qui nous donne les moyens de combler ce que l’on aime,