Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/342

Cette page n’a pas encore été corrigée

aux conviés : « Goûtez bien cela ; il est de Léandre, et il ne me coûte qu’un grand merci. »


76 (VI)


Il y a telle femme qui anéantit ou qui enterre son mari au point qu’il n’en est fait dans le monde aucune mention : vit-il encore ? ne vit-il plus ? on en doute. Il ne sert dans sa famille qu’à montrer l’exemple d’un silence timide et d’une parfaite soumission. Il ne lui est dû ni douaire ni conventions ; mais à cela près, et qu’il n’accouche pas, il est la femme, et elle le mari. Ils passent les mois entiers dans une même maison sans le moindre danger de se rencontrer ; il est vrai seulement qu’ils sont voisins. Monsieur paye le rôtisseur et le cuisinier, et c’est toujours chez Madame qu’on a soupé. Ils n’ont souvent rien de commun, ni le lit, ni la table, pas même le nom : ils vivent à la romaine ou à la grecque ; chacun a le sien ; et ce n’est qu’avec le temps, et après qu’on est initié au jargon d’une ville, qu’on sait enfin que M. B… est publiquement depuis vingt années le mari de Mme L…


77 (VII)


Telle autre femme, à qui le désordre manque pour mortifier son mari, y revient par sa noblesse et ses alliances, par la riche dot qu’elle a apportée,