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ignorance des femmes, ils sont heureux que les femmes, qui les dominent d’ailleurs par tant d’endroits, aient sur eux cet avantage de moins.

On regarde une femme savante comme on fait une belle arme : elle est ciselée artistement, d’une polissure admirable et d’un travail fort recherché ; c’est une pièce de cabinet, que l’on montre aux curieux, qui n’est pas d’usage, qui ne sert ni à la guerre ni à la chasse, non plus qu’un cheval de manège, quoique le mieux instruit du monde.

Si la science et la sagesse se trouvent unies en un même sujet, je ne m’informe plus du sexe, j’admire ; et si vous me dites qu’une femme sage ne songe guère à être savante, ou qu’une femme savante n’est guère sage, vous avez déjà oublié ce que vous venez de lire, que les femmes ne sont détournées des sciences que par de certains défauts : concluez donc vous-même que moins elles auraient de ces défauts, plus elles seraient sages, et qu’ainsi une femme sage n’en serait que plus propre à devenir savante, ou qu’une femme savante, n’étant telle que parce qu’elle aurait pu vaincre beaucoup de défauts, n’en est que plus sage.


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La neutralité entre des femmes qui nous sont également amies, quoiqu’elles aient rompu pour des intérêts où nous n’avons nulle part, est un point difficile : il faut choisir souvent entre elles, ou les perdre toutes deux.


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