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est dans les diverses rencontres précisément ce qu’il faut qu’elle soit. La première cache des faibles sous de plausibles dehors ; la seconde couvre un riche fonds sous un air libre et naturel. La pruderie contraint l’esprit, ne cache ni l’âge ni la laideur ; souvent elle les suppose : la sagesse au contraire pallie les défauts du corps, ennoblit l’esprit, ne rend la jeunesse que plus piquante et la beauté que plus périlleuse.


49 (VII)


Pourquoi s’en prendre aux hommes de ce que les femmes ne sont pas savantes ? Par quelles lois, par quels édits, par quels rescrits leur a-t-on défendu d’ouvrir les yeux et de lire, de retenir ce qu’elles ont lu, et d’en rendre compte ou dans leur conversation ou par leurs ouvrages ? Ne se sont-elles pas au contraire établies elles-mêmes dans cet usage de ne rien savoir, ou par la faiblesse de leur complexion, ou par la paresse de leur esprit ou par le soin de leur beauté, ou par une certaine légèreté qui les empêche de suivre une longue étude, ou par le talent et le génie qu’elles ont seulement pour les ouvrages de la main, ou par les distractions que donnent les détails d’un domestique, ou par un éloignement naturel des choses pénibles et sérieuses, ou par une curiosité toute différente de celle qui contente l’esprit, ou par un tout autre goût que celui d’exercer leur mémoire ? Mais à quelque cause que les hommes puissent devoir cette