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dansant, et qui passe mieux la capriole ? Voudriez-vous le sauteur Cobus, qui, jetant ses pieds en avant, tourne une fois en l’air avant que de tomber à terre ? Ignorez-vous qu’il n’est plus jeune ? Pour Bathylle, dites-vous, la presse y est trop grande, et il refuse plus de femmes qu’il n’en agrée ; mais vous avez Dracon, le joueur de flûte : nul autre de son métier n’enfle plus décemment ses joues en soufflant dans le hautbois ou le flageolet, car c’est une chose infinie que le nombre des instruments qu’il fait parler ; plaisant d’ailleurs, il fait rire jusqu’aux enfants et aux femmelettes. Qui mange et qui boit mieux que Dracon en un seul repas ? Il enivre toute une compagnie, et il se rend le dernier. Vous soupirez, Lélie : est-ce que Dracon aurait fait un choix, ou que malheureusement on vous aurait prévenue ? Se serait-il enfin engagé à Césonie, qui l’a tant couru, qui lui a sacrifié une si grande foule d’amants, je dirai même toute la fleur des Romains ? à Césonie, qui est d’une famille patricienne, qui est si jeune, si belle, et si sérieuse ? Je vous plains, Lélie, si vous avez pris par contagion ce nouveau goût qu’ont tant de femmes romaines pour ce qu’on appelle des hommes publics, et exposés par leur condition à la vue des