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ou des orateurs, ou des philosophes ; et qui ne leur attirerait à tous nul autre inconvénient, que celui peut-être de laisser à leurs héritiers moins de trésors que de bons exemples.


I2 (I)


Il faut en France beaucoup de fermeté et une grande étendue d’esprit pour se passer des charges et des emplois, et consentir ainsi à demeurer chez soi, et à ne rien faire. Personne presque n’a assez de mérite pour jouer ce rôle avec dignité, ni assez de fonds pour remplir le vide du temps, sans ce que le vulgaire appelle des affaires. Il ne manque cependant à l’oisiveté du sage qu’un meilleur nom, et que méditer, parler, lire, et être tranquille s’appelât travailler.


I3 (I)


Un homme de mérite, et qui est en place, n’est jamais incommode par sa vanité ; il s’étourdit moins du poste qu’il occupe qu’il n’est humilié par un plus grand qu’il ne remplit pas et dont il se croit digne : plus capable d’inquiétude que de fierté ou de mépris pour les autres, il ne pèse qu’à soi-même.


I4 (IV)


Il coûte à un homme de mérite de faire assidûment sa cour, mais par une raison bien opposée à celle que l’on pourrait croire : il n’est point tel sans une grande modestie, qui l’éloigne de penser qu’il fasse le moindre plaisir aux princes s’il se trouve sur leur passage, se poste devant leurs yeux, et leur montre son visage : il est plus proche de se persuader