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parlé ! Combien vivent encore dont on ne parle point, et dont on ne parlera jamais !


4 (I)


Quelle horrible peine a un homme qui est sans prôneurs et sans cabale, qui n’est engagé dans aucun corps, mais qui est seul, et qui n’a que beaucoup de mérite pour toute recommandation, de se faire jour à travers l’obscurité où il se trouve, et de venir au niveau d’un fat qui est en crédit !


5 (I)


Personne presque ne s’avise de lui-même du mérite d’un autre.

Les hommes sont trop occupés d’eux-mêmes pour avoir le loisir de pénétrer ou de discerner les autres ; de là vient qu’avec un grand mérite et une plus grande modestie l’on peut être longtemps ignoré.


6 (I)


Le génie et les grands talents manquent souvent, quelquefois aussi les seules occasions : tels peuvent être loués de ce qu’ils ont fait, et tels de ce qu’ils auraient fait.


7 (IV)


Il est moins rare de trouver de l’esprit que des gens qui se servent du leur, ou qui fassent valoir celui des autres et le mettent à quelque usage.


8 (VI)


Il y a plus d’outils que d’ouvriers, et de ces derniers plus de mauvais que d’excellents ; que pensez-vous de celui qui veut scier avec un rabot, et qui prend sa scie pour raboter ?


9 (I)


Il n’y a point au monde un si pénible métier que celui de se faire un grand nom : la vie s’achève que l’on a à peine ébauché son ouvrage.


I0 (V)