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farceur ; il n’entre qu’à peine dans le vrai comique : comment pourrait-il faire le fond ou l’action principale de la comédie ? « Ces caractères, dit-on, sont naturels. » Ainsi, par cette règle, on occupera bientôt tout l’amphithéâtre d’un laquais qui siffle, d’un malade dans sa garde-robe, d’un homme ivre qui dort ou qui vomit : y a-t-il rien de plus naturel ? C’est le propre d’un efféminé de se lever tard, de passer une partie du jour à sa toilette, de se voir au miroir, de se parfumer, de se mettre des mouches, de recevoir des billets et d’y faire réponse. Mettez ce rôle sur la scène. Plus longtemps vous le ferez durer, un acte, deux actes, plus il sera naturel et conforme à son original ; mais plus aussi il sera froid et insipide.


53 (I)


Il semble que le roman et la comédie pourraient être aussi utiles qu’ils sont nuisibles. L’on y voit de si grands exemples de constance, de vertu, de tendresse et de désintéressement, de si beaux et de si parfaits caractères, que quand une jeune personne jette de là sa vue sur tout ce qui l’entoure, ne trouvant que des sujets indignes et fort au-dessous de ce qu’elle vient d’admirer, je m’étonne qu’elle soit capable pour eux de la moindre faiblesse.