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que vous voulez peut-être faire entendre » ; et c’est du même trait et du même mot que tous ces gens s’expliquent ainsi, et tous sont connaisseurs et passent pour tels. Quel autre parti pour un auteur, que d’oser pour lors être de l’avis de ceux qui l’approuvent ?


28 (IV)


Un auteur sérieux n’est pas obligé de remplir son esprit de toutes les extravagances, de toutes les saletés, de tous les mauvais mots que l’on peut dire, et de toutes les ineptes applications que l’on peut faire au sujet de quelques endroits de son ouvrage, et encore moins de les supprimer. Il est convaincu que quelque scrupuleuse exactitude que l’on ait dans sa manière d’écrire, la raillerie froide des mauvais plaisants est un mal inévitable, et que les meilleurs choses ne leur servent souvent qu’à leur faire rencontrer une sottise.


29 (VIII)


Si certains esprits vifs et décisifs étaient crus, ce serait encore trop que les termes pour exprimer les sentiments : il faudrait leur parler par signes, ou sans parler se faire entendre. Quelque soin qu’on apporte à être serré et concis, et quelque réputation qu’on ait d’être tel, ils vous trouvent diffus. Il faut leur laisser tout à suppléer, et n’écrire que pour eux seuls. Ils conçoivent une période par le mot qui la commence, et par une période tout un chapitre : leur avez-vous lu un seul endroit de l’ouvrage, c’est assez, ils sont dans le fait et entendent l’ouvrage.