Page:La Bruyère - Œuvres complètes, édition 1872, tome 1.djvu/185

Cette page n’a pas encore été corrigée

De la brutalité

La brutalité est une certaine dureté, et j’ose dire une férocité qui se rencontre dans nos manières d’agir, et qui passe même jusqu’à nos paroles. Si vous demandez à un homme brutal : « Qu’est devenu un tel ? » il vous répond durement : « Ne me rompez point la tête. » Si vous le saluez, il ne vous fait pas l’honneur de vous rendre le salut. Si quelquefois il met en vente une chose qui lui appartient, il est inutile de lui en demander le prix, il ne vous écoute pas ; mais il dit fièrement à celui qui la marchande : « Qu’y trouvez-vous à dire ? » Il se moque de la piété de ceux qui envoient leurs offrandes dans les temples aux jours d’une grande célébrité : « Si leurs prières, dit-il, vont jusques aux Dieux, et s’ils en obtiennent les biens qu’ils souhaitent, l’on peut dire qu’ils les ont bien payés, et que ce n’est pas un présent du ciel. » Il est inexorable à celui qui sans dessein l’aura poussé