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vous voyez, & depuis quarante-cinq ans le labeur de chaque Soleil a amené successivement une petite portion de cette masse. Tandis que vous autres dépensiez chaque jour, j’amassais chaque jour, j’économisais ; depuis que je me connais, je me suis amusé de la fantaisie de me bâtir une grosse somme, non par avarice au moins ; mais pour pouvoir assurer le bien-être de ma vieillesse & de ceux qui viendraient après moi. Je n’ai point connu les privations de la lésinerie. J’ai été frugal & laborieux, voilà tout mon secret : je ne puis dire moi-même comment cette masse s’est formée : mais, à force de suivre mon idée, j’ai eu toutes sortes de petits avantages qui sont venus accumuler mon petit trésor. Jamais l’amour d’un plus grand gain ne m’a fait hazarder ce que la fortune m’avait une fois envoyé, j’ai bien tenu ce que je tenais ; & le diable, par conséquent, n’a pu me l’emporter : il est vrai qu’ensuite l’ambition d’élever mon fils n’a pas laissé que de m’aiguillonner. À mesure qu’il grandissait, l’amour paternel a fait des miracles, ou plutôt Dieu a béni mon projet, puisque, sans cet argent, que j’ai lieu de chérir, mon fils, mon cher fils devenait malheureux.

M. Delomer.

Je ne puis en revenir : & votre dessein est en m’apportant cette somme ?…