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le détail de la vie humaine est également son objet. Le manteau royal & l’habit de bure sont indifferens à son pinçeau. Il ne s’arrête point à ces décorations extérieures, ouvrage du hazard ou du moment. C’est le cœur de l’homme qu’il cherche, qu’il saisit, qu’il tourne entre ses mains, qu’il examine à loisir. Tout lui est précieux dès que la chose est vraie, & peut ajouter à la fidelité du tableau. Il aura un respect attentif pour tous les traits naïfs qui constituent tel individu. Après avoir soulevé la premiere superficie, il verra les mêmes affections régir le Monarque & le pâtre. Ce n’est, au fond, que la même substance, & le cri de la nature n’est pas plus déchirant dans le sein de l’un, que dans le sein de l’autre. Aux yeux du Poëte, rien donc ne sera grand que la vertu, rien ne sera vil que le vice. Que lui importe un diadême ? Sous cette étoffe grossiere, il a touché une ame sensible. Voilà ce qu’il demande, ce qu’il aime à peindre, ce qu’il adopte avec transport. Voilà l’objet inépuisable de son art. Il devient fécond, animé, riant & moral. Il l’aura creusé dans toute sa profondeur ; il l’aura vu sous tous ses rapports, c’est-à-dire, accompagné des grands moyens de former les mœurs, & de présider à l’instruction publique ; il n’aura rien dédaigné en conséquence de ce qui existe ; (car tout fait leçon à qui sait voir :) il aura toujours préféré l’homme à l’accessoire ; & la satisfaction d’avoir honnoré quelquefois le mérite privé de titres, lui tiendra lieu de gloire, au défaut du succès.