Page:La Brouette du vinaigrier Mercier Louis-Sébastien 1775.pdf/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mademoiselle Delomer, avec étonnement.

Vous me conseilleriez de désobéir à mon pere !… Il ne faut pas que l’intérêt de votre amour vous fasse ainsi parler contre mon devoir.

Dominique fils.

L’intérêt de mon amour ! tout cher qu’il m’est, j’y renoncerais pour assurer votre repos… C’est le vôtre qui m’anime… Est-ce à moi d’espérer le consentement de votre pere ; moi qui n’ai rien, moi fils… L’orgueil a établi des distances inhumaines, qui font aujourd’hui mon désespoir… Je crains seulement que vous ne soyez malheureuse… Vivez avec tout autre, pourvu qu’il vous soit cher… Irez-vous contracter des liens cruels, qui vous feront sentir le poids du malheur, chaque jour de votre vie ? Soyez à tout autre, & vivez fortunée ; je sais de mon côté ce que je dois faire : c’est en quittant ma patrie ; c’est en allant gémir loin de vous, que je vous prouverai que l’amour qui me consume est pur & désintéressé.

Mademoiselle Delomer, d’un ton pénétré.

Que ne suis-je pauvre, que personne ne voulût de moi !

Dominique fils.

Ah ! si j’étais riche ! j’irais m’offrir… Ou, que n’êtes-vous sans dot, vêtue en siamoise, vous auriez les mêmes charmes, & je serais plus près du