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M. Delomer.

J’en étais presque sûr dès le moment que vous me l’avez présenté. La probité donne à la physionomie une certaine ouverture qui plait au premier coup-d’œil ; & cette physionomie est héréditaire dans votre famille. Il avait alors un air tout anglomane avec son habit bleu & ses cheveux courts. Je n’ai pas été médiocrement surpris, je vous l’avoue, de vous voir un fils aussi versé dans l’usage du monde.

Dominique pere.

Voici la troisieme année qui court, depuis que je l’ai fait revenir de chez l’étranger, où je l’ai fait voyager de bonne-heure, n’ai-je pas pris là le meilleur parti ? J’avais un parent, Préfet de Collége, qu’on disait savant, & à qui je ne trouvais pas moi le sens commun, il me disait toujours d’un ton rogue ; sans le latin votre fils ne parviendra jamais à rien… Tudieu ! Mon cousin, lui répondis-je, vous avez beau dire, on ne parle plus latin dans aucune maison du Royaume. Si mon fils avait besoin d’une autre langue que la sienne, c’est en Anglois, c’est en Allemand qu’il lui serait utile & agréable de savoir s’expliquer ; il trouverait des gens pour lui répondre… & je vous l’envoyai sur le champ dans ces pays-là dès l’age de douze ans. Il demeura chez de braves gens qui le formerent au Commerce & qui de plus tirent beaucoup de mon vinaigre.