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Dominique pere, avec la plus grande joie.

Ce que vous me dites-là, me met du bon sang dans les veines, & me fera vivre trente ans de plus ; c’est le seul enfant que j’aye eu, c’est lui qui est aujourd’hui toute ma joie & toute ma consolation sur la terre. Je n’ai goûté d’autre plaisir depuis que je suis au monde, que l’idée attendrissante de le voir se tourner à bien, & devenir un honnête-homme : il l’est ; je suis heureux, je ne me suis marié que pour former un bon citoyen. J’ai donné, selon mon pouvoir, tous mes soins à son éducation, me retranchant sur le nécessaire pour qu’il ne manquât de rien. Donner la vie est bien peu de chose, si l’on n’y joint l’assurance d’un certain bien-être. C’est un devoir doux à remplir & qui porte sa récompense avec soi. Je l’aurais bien mis de mon métier : mais les enfans ne réussissent jamais comme leur pere, ils gâtent leur état ; & puis ils veulent toujours être quelque chose de plus.

M. Delomer.

Cela est dans l’esprit de l’homme qui tend toujours à s’élever.

Dominique pere.

Ils n’en sont pas pour cela plus heureux, mais qu’importe ? Ils croient l’être : il faut que chacun suive ses idées, que chacun soit libre, voilà mes principes, à moi… vous pensez donc qu’il fera son chemin ?