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Dominique pere.

Un autre état !… Et pourquoi ? Il y a quarante-cinq ans que j’ai pris ce gagne-pain, je ne m’en repens pas : autant vaut celui-là qu’un autre. Pourvu que je vive en honnête-homme, qu’importe, après tout, ma façon de vivre ? Tout en poussant ma brouette, j’ai rencontré des gens qui n’étaient pas si contens que moi. Que font quatre roues quand une suffit à me faire rouler ma vie. Mon pere était un pauvre Vigneron, qui avait travaillé toute sa vie pour ne boire que de la piquette. Moi j’ai mieux trouvé mon compte à vendre du vinaigre. Je me suis ingéré d’en composer de plus d’une sorte, ainsi que ces moutardes de santé ; &, grace à Dieu, ce n’est pas pour me vanter, mis elles ont eu une certaine vogue.

M. Delomer.

Je vous estime singulierement, & sur-tout en considérant l’éducation que vous avez donnés à votre fils… ce jeune homme-là promet beaucoup.

Dominique pere.

Je venais aussi pour en causer un peu avec vous… Vous en êtes donc vraiment content ?…

M. Delomer.

Oui, en vérité, très-content : je lui abandonne beaucoup d’affaires à conduire, il s’en acquitte très-bien, avec célérité & prudence : votre fils a des talens ; & chacun est enchanté de ses procédés.