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M. Delomer.

On ne connaît jamais un amant qu’après le mariage. L’homme qui aspire à la main d’une fille se contrefait toujours, & chacun prend un masque qu’il ne tarde gueres à déposer. Je ne vous mets point de cette classe, c’est une simple réflexion. On m’a dit tant de bien de vous, & vous prévenez vous-même si fort en votre faveur, que je me suis décidé. Je veux voir ma fille pourvue, elle est d’âge, elle n’a point de mere. Je ne suis pas une société pour elle. Il lui en faut une : vous dites l’aimer, & je le crois, puisque vous la demandez avec tant d’empressement… tout est dit. Je m’attends qu’elle va s’effrayer un peu de cette union. Le changement d’état coûte toujours aux jeunes filles. C’est à vous de captiver son cœur : il est neuf & sensible, vous le conformerez à votre guise. Il n’y a que deux ans qu’elle est sortie du Couvent, & je n’ai point reçu les assiduités d’un autre que vous.

M. Jullefort.

Je me flatte aussi que vous n’auriez trouvé personne ami plus vrai, amant plus sincère…

M. Delomer.

Tout en possédant ma fille, ses charmes ne vous empêcheront pas d’arrêter vos yeux sur ce que je lui donnerai.