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M. Jullefort, comme par souvenir, & souriant à demi.

Une fois… Il y a quelque tems de cela… une fois j’ai bien manqué d’être pris. J’étais sur le point de signer, dans la certitude d’épouser une fille unique : elle était assez riche. La mere avait quarante-quatre ans sonnés ; elle n’avait point eu d’enfans depuis dix-sept années. Cela paraissait sans ombrage. Heureusement pour moi que je songe à tout, & que, la regardant un certain soir très-fixement, je la soupçonnai tout-à-coup,… devinez… oh ! ce fut une illumination soudaine, un véritable trait de génie… je fis naître prudemment un prétexte pour différer, & bien me prit alors, car deux mois après il n’y avait plus aucun doute, un second enfant venait en tapinois m’enlever malignement la moitié de mon bien. Tout autre que moi serait tombé dans le piége. Avouez… qui diable aurait pensé ?… or jugez quelle énorme différence ! moitié moins d’un seul coup !… aussi depuis ce temps-là, quand on me parle d’une fille, c’est d’abord de la mere que je m’informe, & si elle n’a pas cinquante-cinq ans révolus… je passe plus loin.

M. du Saphir.

Pour ici vous n’avez rien à craindre de semblable ; la pauvre Madame Delomer est enterrée depuis douze ans… j’ai assisté à son convoi…