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M. Delomer.

C’est bien, c’est bien ma fille. Honore & respecte toujours en lui cette grandeur d’ame & cette bonté qui me surpassent & que du moins j’admire.

(Ils s’embrassent tour-à-tour.)
Dominique fils, à son pere.

Mon pere ! quoi vous aviez tout cet argent à votre disposition, & vous avez traîné la brouette, & vous m’en faisiez un secret ?

Dominique pere.

C’est à ce secret que nous devons tous notre bonheur. Un seul confident aurait pu tout gâter. Il m’aurait peut-être détourné de mon genre de vie : on se laisse séduire à la fin ; &, d’une fantaisie à une autre, tout cet argent se serait envolé de façon que sans en avoir été ni plus gras, ni plus content, je ne me trouverais pas au but où je suis aujourd’hui… À l’égard de la confidence que j’aurais pu te faire, c’était encore une autre question… heureux l’homme que son pere élève sans nulle autre perspective de ressource que lui-même ! il en vaut bien mieux ; & tous ces mauvais sujets, tous ces enfans de famille, mangeurs de soupe apprêtée, n’ont que de la suffisance & font mauvaise nourriture du bien de leurs parens, dont ils n’aiment trop souvent que l’héritage : l’aspect d’une fortune assurée les rend fainéans, paresseux & conséquemment libertins. Il faut qu’un