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aidions mutuellement à supporter notre misérable existence ; maintenant il est chez ses parents, il jouit du moins de leurs tendres embrassements. Pour moi, sombre, délaissé, je ne jouis de ta vue qu’une fois par semaine. Je sens que je ne suis pas bien, je ne sais quoi me pèse sur la poitrine ; je crois y avoir un abcès

Ne pourrais-tu pas me retirer du lycée ? Je me suis fait violence jusqu’à présent pour ne pas te déplaire ; mais cela me devient tout à fait insupportable. Je sens que je ne suis pas fait pour vivre resserré comme nous le sommes

Si j’ai tort en beaucoup de choses, ne m’en fais pas des reproches : je ne pense pas plus qu’une pierre ! Le lieu que j’habite porte en lui je ne sais quoi qui vous plonge dans une apathie complète, toujours plus maintenant ; car mon ami Wangehis, qui était de mon humeur sombre et peu sociable (chose que tu m’as souvent reprochée) est parti pour son pays. Je suis seul avec mes livres hébreux, ce qui ne me fâche pas beaucoup ; mais je sens que cela ne fera qu’augmenter ma misanthropie ; et mon humeur peu sociable prend chaque jour de nouvelles forces quoique je me représente toujours les suites qu’elle aura, comme tu me l’as fait voir si souvent.

Tâche de me retirer d’ici, je t’en supplie, ou je serai bientôt le plus malheureux des hommes. Excuse. Je n’ai voulu rien te déguiser ; je t’ai ouvert mon cœur. Tu y as lu. Tu sais ma maladie ; portes-y remède.


Cette crise aiguë fut amendée par les conseils du grand frère. Champollion lui écrivit :


Fiat voluntas tua ! c’est mon désir.