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la bataille des trente

paroisses, citons seulement trois ou quatre exemples : Merdrignac devait payer au terme de Pâques, en nature ou en espèces, une somme répondant à 12 000 francs environ valeur actuelle ; Ménéac, 15 000 fr., — Plumieux, 14 000 fr., — Plémet, même somme, Hillion, 11 000 fr., etc. etc. Et ce n’était là encore que la moitié de leurs rançons ; chacune de ces paroisses en devait fournir autant à la Saint-Michel. — Ce rançonnement des pauvres paroisses bretonnes était on le voit, un vrai brigandage organisé[1].

Veut-on savoir à quel point, à quel excès, les chefs anglais les plus huppés, poussaient ce brigandage ? L’histoire de William Latimer nous l’apprendra. C’était un des capitaines les plus en renom durant la guerre de Bretagne ; il eut pendant longtemps dans cette guerre la garde de la place de Bécherel, l’un des postes anglais les plus militants, auquel on avait attribué les rançons d’un vaste territoire comprenant une centaine de paroisses. Il tenait de plus sur la Rance une autre forteresse, le château de Plumoison[2], qui pillait tous les bateaux de cette rivière. Latimer, grâce à toutes ces rançons et tous ces pillages, revint en Angleterre chargé d’une fortune énorme, et de plus d’une lourde accusation de vol et de

    voir (le lever « les ranceons, » c’est-à-dire trente paroisses à tondre, piller, ruiner systématiquement ; la charte royale qui organise ce brigandage, datée du 20 mars 1362, nous a été conservée ; ces paroisses sont : Bouaie, Fresnai, Pont Saint-Martin, Rezé, Saint-Lumine de Contais, Port Saint-Père, Saint-Philbert de Grandlieu, le Pallet, Indret, Bouguenais, Saint-Jean de Bouguenais (auj. Saint-Jean de Boiseau), le Pellerin, Sainte-Pazanne, Saint-Hilaire de Chaléon, Brains, Aigrefeuille, Vertou Château-Thébaud, Haute et Basse Goulaine, le Loroux-Botereau, Geneston, Saint-Sébastien près Nantes, Roche-Ballu (en Bouguenais), le Bignon, Pilori (en Cheix), le Coin (auj. S. Fiacre), Montbert, Vallet, Pont-Rousseau, Saint-Léger, Cheix. (Voir Rymer, édit. 1816, III, 2e  part. p. 642, cf. René Blanchard, Le pays de Retz et ses seigneurs pendant la guerre de Cent Ans, p. 8-9). On le voit, c’est tout l’Outre-Loire nantais, de la baie de Bourgneuf à la frontière angevine : la ruine de tout un pays savamment organisée, ce n’était pas trop pour l’appétit de ces rapaces.

  1. Sur cette question des rançons voir spécialement, le compte de Gilles de Wyngreworth, de la S. Michel 1359 à la S. Michel 1360, existant à Londres. (Record Office, Exchequer, Q. R. The realm of France, 482/7). Document communiqué par M. J. Lemoine.
  2. Plumoison, dit aujourd’hui Plumasson, répond à la situation actuelle du Chêne-Vert, sur la rive gauche de la Rance.