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la bataille des trente

Il ne s’agit pas ici de ces ravages, de ces pilleries accidentelles exercées par un parti sur le parti adverse : fléau tristement inséparable de toute guerre.

Les Anglais avaient imaginé beaucoup mieux. Peu leur importait qu’on fût ami ou ennemi : d’autant que dans cette lutte de Blois et de Montfort, les habitants des campagnes bretonnes, les paysans, étaient presque partout indifférents à l’objet de la querelle et obéissaient sans résistance au parti qui dominait dans leur voisinage. Il n’y avait donc nul prétexte pour les maltraiter ni les piller. Mais les Anglais n’avaient pas besoin de prétexte pour mettre la Bretagne en coupe réglée. Dans tout le territoire sur lequel ils dominaient, ils imposaient, chaque année, à toutes les paroisses rurales (si soumises qu’elles fussent) des contributions de guerre fort élevées en argent ou en nature, qu’ils appelaient redemptiones, les « raençons, » et c’était bien des rançons, car les paroisses qui ne pouvaient payer devaient être détruites, incendiées et saccagées sans merci (comburari, prædari, destrui). Les Anglais se croyaient très doux, très indulgents, quand avant d’en venir là ils saisissaient les principaux habitants, leur mettaient les fers aux pieds et aux mains et les accablaient de mauvais traitements pour les contraindre à s’exécuter.

À chacune des principales places et forteresses occupées en Bretagne par les Anglais il était ainsi attribué, tout autour d’elle, un nombre plus ou moins grand de paroisses rurales, dont le capitaine de cette place pouvait lever les rançons, c’est-à-dire les contributions arbitrairement imposées par lui, sauf à donner à sa garnison une part du gâteau.

Par les comptes de Gilles de Wyngreworth, trésorier de Bretagne pour le roi d’Angleterre en 1360, nous connaissons les districts ruraux dont les rançons étaient attribuées aux trois places anglaises de Vannes, de Bécherel et de Ploërmel. Cette dernière avait à exploiter quatre-vingts paroisses, dont quelques-unes situées jusque sur la baie de Saint-Brieuc[1]. Quant aux rançons imposées à ces

  1. Pendant la guerre de Bretagne, pour dominer le pays de Retz et s’approprier le commerce de la baie de Bourgneuf, les Anglais élevèrent au fond de cette baie le fort du Colet. Le roi d’Angleterre livra au capitaine et à la garnison de ce fort trente paroisses sur lesquelles il leur abandonna le pou-