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la bataille des trente

Au milieu des défaites de la France, entre le désastre de Créci (1346) et celui de Poitiers (1356), cet exploit merveilleux éclate comme dans un ciel noir d’orages un coup de soleil vainqueur. Il illumine le nom breton d’une auréole de gloire que cinq siècles n’ont point ternie. Aujourd’hui encore, quand devant la pyramide de Mi-Voie un régiment passe, les clairons sonnent, les tambours battent, le drapeau s’incline, officiers et soldats présentent les armes.

Tous saluent ce sol sacré, qui a bu le sang des héros — qui a porté la lutte sublime, terrible, des Trente immortels champions de l’humanité et de la justice, de l’honneur militaire et national de la Bretagne et de la France.

Le peuple des campagnes bretonnes n’a point oublié non plus ceux qui versèrent là pour sa défense le plus pur de leur sang. Vers l’an 1840, un aveugle nommé Guillarm Ar Foll, de Plounevez-Quintin paroisse bretonnante de la haute Cornouaille[1], psalmodiait une vieille chanson bretonne dite Stourm an Tregont (la Bataille des Trente). M. de la Villemarqué passant par là d’aventure la recueillit et en fit quelques années après, l’un des ornements de son beau recueil de poésies bretonnes, le Barzas-Breiz. En voici quelques couplets. D’abord, la prière des trente Bretons au patron des guerriers de la Bretagne, saint Cado :

« Seigneur saint Cado, notre patron, donnez-nous force et courage, afin qu’aujourd’hui nous vainquions les ennemis de la Bretagne.

« Si nous revenons du combat, nous vous ferons don d’une ceinture et d’une cotte d’or, d’une épée et d’un manteau bleu comme le ciel.

« Et chacun dira en vous regardant, ô seigneur saint Cado béni : Au paradis, comme sur terre, saint Cado n’a pas son pareil ! »

En quelques traits énergiques, voici la bataille :

Depuis le petit point du jour ils combattirent jusqu’à midi ; depuis midi jusqu’à la nuit ils combattirent les Anglais.

Les coups tombaient aussi rapides que les marteaux sur les enclumes ; aussi gonflé coulait le sang que le ruisseau après l’ondée ;

Aussi déchiquetées étaient les armures que les haillons des mendiants ; aussi sauvages les cris des chevaliers dans la mêlée que la voix de la grande mer…

  1. Aujourd’hui comne du cton de Rostrenen, arr. de Guingamp, Côtes-du-Nord.