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la bataille des trente

Dans cet assaut, la bande de Crokart finit par avoir le dessous ; quatre de ses champions (deux Anglais, un Allemand et le Breton d’Ardaine) sont tués. Les Bretons achètent chèrement ce succès : l’un d’eux, Geofroi Poulart, est couché sur le pré « tout dormant » ; presque tous, lardés par les piques anglaises, ont de grandes plaques de sang sur leurs armures et sous leurs pieds la terre est toute rouge de sang (Laisses 33, 34, Crapelet, p. 30). Beaumanoir lui-même gravement blessé, et qui fidèle à la loi du Carême a jeûné ce jour-là, mourant de faim, de fatigue et de soif par la perte de son sang, demande à boire et provoque l’héroïque réponse de Du Bois :

Bois ton sang, Beaumanoir, la soif te passera ! (Laisse 34, Crapelet, p. 31).

Réponse qui fait bondir Beaumanoir et le jette plus ardent que jamais sur les Anglais.


Quatrième phase.
le triomphe des bretons


Crokart, voyant le défaut de sa première manœuvre, la rectifie, la complète ; il ordonne aux deux extrémités de sa ligne de bataille de se réunir en se recourbant l’une vers l’autre, toujours faisant face à l’ennemi, de façon à former ce qu’on appelait alors un hérisson ou moncel, c’est-à-dire un bataillon carré, véritable tour vivante dont les murs, faits de combattants soudés ensemble, sont hérissés de haches, de piques, de faucharts, etc. Ce que le poème des Trente exprime très bien quand il dit :

Là furent les Englois tretoux en un moncel…
Tous sont en un moncel, com si fussent liés :
Homme n’entre sur eulx ne soit mort ou bleciés (vers 414, 514-515).

Les Bretons se lancent intrépidement sur ce moncel, ils n’y gagnent que des horions. Les Anglais se défendent avec une énergie farouche :