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la bataille des trente

ce qui lui assure à jamais l’hommage de l’humanité, c’est d’avoir été soutenue pour la cause même de l’humanité, pour la défense des petits et des faibles, et d’avoir dressé fièrement, devant l’abus de la force pratiqué par une politique sans cœur, la suprême protestation du droit et de la justice.


II

les combattants. — les préliminaires de la bataille.


Avant d’entrer dans le récit de la lutte, il convient de nommer les combattants, et d’abord de faire connaître le chef de l’entreprise Jean de Beaumanoir.

La terre de Beaumanoir, grande châtellenie étendue sur le haut cours de la Rance, a son chef-lieu, son château en la paroisse d’Evran. Le premier de ses seigneurs connus dans l’histoire, Hervé de Beaumanoir, se trouva à Vannes en 1203, dans l’assemblée des barons de Bretagne formée pour tirer vengeance de l’assassinat du jeune duc Arthur par le brigand Jean sans Terre[1]. Dans le milieu du XIIIe siècle les Beaumanoir, par suite d’une alliance, joignirent à leur terre patrimoniale la grosse seigneurie de Merdrignac décorée d’une grande forêt, de beaux étangs, du château de la Hardouinaie[2]. Au cours de ce siècle et du suivant, on les voit en fréquentes discussions d’affaires, d’amitié, même d’alliance avec les Rohan[3], sans être néanmoins à un degré quelconque dans la clientèle de cette superbe famille, car en 1309 Jean II de Beaumanoir se bat en duel judiciaire et « bataille jugée » contre le vicomte de Rohan[4].

Ce Jean II eut deux fils : l’aîné Jean III, sire de Beaumanoir, fut le père de Jean IV chef de la bataille des Trente ; le puîné nommé Robert joua un rôle important dans les premières années de la guerre de Blois et de Montfort ; il fut le maréchal de Bretagne du parti de Blois, ce qui était la première charge militaire

  1. Le Baud, Histoire de Bretagne, p. 210.
  2. D. Morice, Preuves I, 1040.
  3. Ibid. 1133, 1180, 1232.
  4. Ibid. 1222.