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la bataille des trente

surtout après dîner, de grandes fanfaronnades que l’on désavoue ensuite, et cela vous est déjà arrivé, car si vous êtes vaillant, vous êtes léger et retors. Vous aviez pris jour naguère avec Pierre Angier pour un combat du genre de celui-ci ; au jour dit, il était à vous attendre au lieu convenu avec soixante cavaliers ; vous, Bembro, on ne vous vit pas. N’allez pas me jouer le même tour, il vous en cuirait[1].

Bembro jure solennellement qu’il sera le premier sur le champ de bataille. Puis on convient du nombre des combattants : trente de chaque bord ; — du lieu de la rencontre : le chêne de Mi-Voie, à moitié route entre Ploërmel et Josselin ; — de la date : le samedi 16 mars 1351[2] ; — et enfin des conditions de la lutte qui furent celles du combat à volonté, c’est-à-dire que chacun des soixante champions eut toute liberté de se battre comme il lui plairait soit à pied, soit à cheval, avec les armes qu’il voudrait, sans autre obligation que d’observer dans ce combat les règles de la loyauté chevaleresque[3].

Ainsi la bataille des Trente ne fut résolue, livrée, que pour convaincre d’ignominie, aux yeux du monde entier, la brutale et féroce rapacité des Anglais envers les pauvres laboureurs. Outre la vaillance incomparable des Bretons dans cette lutte, ce qui en fait la grandeur,

  1. Laisses 5 et 6 du poème dans le ms. Didot : elles manquent dans le ms. Bigot et par conséquent dans l’édition Crapelet
  2. Jusqu’ici tous les historiens qui ont parlé de la Bataille des Trente la mettent le 27 mars 1351, c’est aussi la date inscrite sur la pyramide commémorative de Mi-Voie. Cette date est fausse d’un jour. D’après le poème contemporain, ce combat fut livré le samedi, veille du dimanche Lœtare Jherusalem, c’est-à-dire du quatrième dimanche de Carème. En 1351, Pâques tombant le 17 avril, le dimanche Lœtare était le 27 mars, et par conséquent la veille de ce dimanche, jour du combat des trente, était non pas le 27 mars, mais le 26. Voir le titre et la conclusion du poème, edit. Crapelet, p. 13 et 25 ; et la laisse 34. Crapelet. p. 30.
  3. Laisse 7, Crapelet, p. 16, Mais dans l’édition Crapelet et ms. Bigot, il manque trois vers de cette laisse et les plus importants ; la voici complète, d’après le ms. Didot :

    Ainsi fut la bataille jurée par tel point,
    Et que sans nulle fraude loyaulment le feroint,
    Et d’un costé et d’aultre touts à cheval seroint,
    Ou trois, ou cinq, ou six, ou toutz, se ilz vouloint,
    Sans election d’armes ; ainxin se combatroint
    En guise et manière que chascun le vouldroint.